Généralement conçues comme des totems isolés et manquant bien souvent d’ancrage local et d’accessibilité, les tours construites dans la deuxième moitié du XXème siècle illustrent un modèle obsolète sous de nombreux aspects.
Aujourd’hui le secteur du bâtiment est responsable de plus de 30 % des émissions de gaz à effet de serre - depuis la construction jusqu’aux besoins énergétiques nécessaires au fonctionnement des édifices. Il nous semble ainsi essentiel de composer avec cet héritage vertical, notamment parce que son bilan carbone est déjà grandement amorti. De plus nous savons que restructurer lourdement un bâtiment émet deux fois moins de CO2 qu’une reconstruction neuve.
Réparer et stimuler - plutôt que détruire et reconstruire - est une piste concrète d’économie énergétique et de sobriété, une réserve de matériaux de réemploi, et une formidable opportunité pour découvrir de nouveaux usages liés à la reconversion. Ces tours issues de la modernité ont d’ailleurs de nombreux avantages structurels et techniques qui permettent cette reconversion et qui offrent, de fait, l’occasion de penser des tours mixtes produisant leur propre énergie et célébrant l’expérience verticale.
La transition énergétique requiert d’inventer des nouveaux modèles de résilience. Aller plus loin que les opérations de démolition- reconstruction ou de réhabilitation et pourquoi pas réfléchir à des opérations coordonnées.
La ville de Chicago, et particulièrement son centre-ville, est reconnue pour son dynamisme et la particularité de son paysage urbain. Ses quartiers denses ont été construits sur des sols glaiseux et instables, et ses rues sont considérées comme le berceau de la Modernité en architecture – l'émulation qui s’y déroule au XXème siècle donnant lieu à son propre mouvement architectural appelé École de Chicago. A l’origine des tracés de cet hypercentre, des conditions géographiques impraticables et hostiles à l’installation de grandes constructions en bordure du lac Michigan.
Cette ville “sans sol”, identifiable à sa grille omniprésente, se caractérise par un parcellaire très morcelé et contraint. Le développement en sous-terrain de nombreux tunnels et la séparation des flux de service de ceux d’usage implique de quadriller la surface du centre-ville d’infrastructures « support ». La rationalisation et le dimensionnement des fondations permettant d’accueillir une densité importante à l’origine de la construction d'une longue lignée de bâtiments iconiques de grande hauteur.
La diffusion à l’échelle du monde des principes du mouvement Moderne en Style International a donné lieu à un héritage riche qu’il nous semble utile de questionner dans sa transition vers un monde plus sobre et plus mixte. L’objectif étant d’en questionner les spécificités, d’en interroger la capacité de mutation et la réversibilité de ses principes architecturaux fondamentaux.
A Chicago, la rationalité constructive avec laquelle sont pensées les tours – ossature vs. façade – laisse présager une grande flexibilité dans leur usage et la superposition d’activités diverses. Comme le dit Jean Castex, les gratte-ciels des années vingt cachent sous des dehors conventionnels des “formes extrêmes” dues à l’hybridation des programmes. En se branchant aux différents niveaux de sols, ils révèlent des frontières entre rue et édifices qui « s’érodent ».
ChartierDalix s'installe à Chicago au cœur du quartier du Loop, un site urbain dense où l’histoire de cet archétype est très ancré et dont la vocation programmatique est à l’origine plus mixte. De l’objet isolé au quartier de tours nous cherchons à poursuivre notre réflexion sur la réhabilitation de ces objets iconiques du XXème siècle et sur leur passage dans un monde plus sobre et plus mixte.
Notre étude a pour vocation de prendre acte des problématiques que soulèvent l’héritage d’un tel patrimoine à un niveau mondial et d’esquisser des outils et des perspectives pour son évolution dans la continuité de nos expériences théoriques et pratiques.